Entretien avec Paul Bouchard
Paul Bouchard a travaillé 5 ans dans le secteur de la vente internationale de films, puis il a rejoint l’équipe de WIDE en 2014 pour prendre en charge le département des acquisitions internationales. Aujourd’hui il gère également le développement de WIDE VR, un nouveau département dédié à la vente de films narratifs en réalité virtuelle. Ludovic Fossard l’a rencontré sur notre stand lors du Salon Virtuality qui s’est tenu à Paris en février 2017.

Ludovic Fossard Qu’est-ce que le marché attend comme film VR aujourd’hui ?
Paul Bouchard Alors qu’est-ce que le marché à l’international attend de la VR ? Nous chez Wide on est spécialisés dans la VR narrative et on voit qu’on est quand même au début. C’est un tout nouveau marché qui a été lancé, propulsé par du contenu qui est très « roller coaster », « maison hanté ». Donc les gens qui ont une première expérience de la VR, s’ils en ont une, c’est souvent à travers, j’ai l’impression, du contenu très sensationnel, beaucoup de choses, des impressions de vertiges, de jump scare ou quelque chose comme ça… et donc nous quand on est arrivé à Berlin avec nos trois films : « Sergeant James » « Oh Deer » et « Lifeline », c’est déjà plus des propositions de narrations, qui sont déjà plus posées, un peu plus réfléchies… qui sont moins dans l’effet un peu de surprise ou d’émotions directes, qui cherchent un peu plus le côté poétique ou narratif de la réalité virtuelle et j’ai l’impression que c’est la tendance qui se développe et que les gens qui font l’éditorial en VR recherchent aujourd’hui : des choses qui commencent à développer des histoires, à jouer sur des
choses un peu plus subtiles…
Dans une question de pérennité de la VR narrative, et bien voilà il faut vraiment prendre le pas et raconter des histoires, prendre le temps de développer un langage, raconter des choses qui touchent directement les gens et non pas quelque chose qui va leur envoyer plein la vue.
Donc qu’est-ce-que les gens attendent vraiment, je ne sais pas encore, parce qu’il y a encore beaucoup de personnes, de public potentiel, qui n’ont jamais encore expérimenté la VR vraiment aujourd’hui, mais si demain ils sont amenés à le faire, il faut vraiment qu’il y ait un contenu je pense, qui puisse leur raconter des vraies histoires qui les touchent et non pas juste leur procurer une expérience qui soit de l’ordre du parc d’attraction et après ils passent à autre chose. Voilà c’est ça qui est important aujourd’hui dans la tête des programmateurs, c’est d’avoir des vraies histoires et du vrai contenu.
Ludovic Fossard Quand tu présentes tes films sont-ils bien accueillis ?
Paul Bouchard C’est-à-dire que ces trois films là, je dirais que j’ai à peu près trois types de réactions : les premières réactions, ce sont les personnes qui n’ont jamais essayé la VR. En général, ils sont assez séduits parce que c’est quand même une bonne approche de la VR techniquement parlant, en même temps ça raconte une histoire mais donc les gens sont… peu importe que c’est la première fois que tu mets un casque de VR, tu es assez subjugué… Donc tout ça marche plutôt sur ce genre de personnes.
Après il y a les personnes qui ont déjà essayé la réalité virtuelle mais qui voient ça sous l’angle vidéo entertainement et qui là sont un peu surpris des fois… même si dans les programmes courts par exemple dans « Oh Deer » ou « Sergeant James » il y a un certaine douceur du récit qui laisse des temps de pose, un petit peu de flottement… et donc, ils sont un peu surpris par ces choses-là parce qu’ils s’attendent à quelque chose de très entertaining et donc ils sont sur quelque chose qui est un peu plus posé, un peu plus tranquille. Mais ça peut leur plaire et tout ça quoi.
Et après il y a les personnes qui sont vraiment très contentes, qui trouvent quelque chose, un nouveau contenu, une nouvelle forme de narration et c’est ce qu’ils attendent et donc là ils aiment beaucoup. Mais je dirais sur le marché concrètement quand on était à Berlin, c’est plutôt la troisième typologie qu’on a eue, les gens qui venaient nous voir pour la réalité virtuelle, ils ont vu ces films là ils ont dit : ah voilà des films narratifs réfléchis qui explorent des possibilités narratives en RV et c’est ça qu’on veut voir, et si demain on ouvre une salle de cinéma ou on ouvre notre section VR dans notre festival, c’est ce genre de contenus qu’on aimerait avoir.
Ludovic Fossard La narration VR pour toi, s’il fallait la résumer, qu’est-ce que c’est ? C’est quoi les points sur lesquels il faut insister ? Qu’est-ce que ça permet par rapport à une narration 2D plus traditionnelle ?
Paul Bouchard Je parle beaucoup avec Michel Reilhac* aujourd’hui qui est un grand théoricien, enfin pour moi, c’est un des premiers théoriciens de la VR et lui, parlerait mieux que moi sur ce sujet-là… Moi j’ai l’impression qu’il faut savoir concilier dans la VR… c’est l’empathie pour un personnage ou pour un sujet, en tout cas pour une histoire… Il faut vraiment qu’il y ait un fil narratif, qu’on suive une histoire, une trame ou un personnage pour pouvoir vraiment connecter avec ça, tout en créant une expérience immersive, ce qui est des fois un petit peu le problème.
Des fois, en VR on est souvent… aujourd’hui on va faire des documentaires qui sont magnifiques où on procure juste une expérience immersive parce que ça suffit de voir un film sur des massaï par exemple et d’être juste au milieu d’eux, d’être au milieu de leurs coutumes, leur rythme de vie tout ça, ça suffit. Mais je pense que demain, il faudra qu’on puisse rentrer dans une démarche plus scénarisée et vraiment nous mettre en empathie avec un personnage en particulier ou avec un sujet, qu’il y ait un fil narratif qui se structure…
Toute la réflexion aujourd’hui c’est de savoir comment la mise en scène et la direction de la réalisation peut tisser des histoires dans des univers 360 immersifs
Une interview de Ludovic Frossard. Lire également les autres articles de VRstory Mag
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