LA NARRATION EN RÉALITÉ AUGMENTÉE Partie 1 et 2
J’avais abordé de façon succincte la fiction (ou le storytelling dans le cas d’une commande par un client) en Réalité Augmentée dans cet article. Dans cette période de confinement où tout le monde parle (parfois en toute intelligence, parfois beaucoup, beaucoup moins) du numérique et du virtuel comme outil de travail, d’apprentissage ou de distraction et de contact à distance, je pense qu’avec la Réalité Virtuelle, la Réalité Augmentée a son mot à dire.

Qu’est-ce qui nous empêche de raconter une histoire en AR ? Tout simplement notre imagination, si elle se limite à ce qu’elle connait et surtout si elle ne S’ADAPTE PAS à la Réalité Augmentée!
Quelle pertinence et quelles fonctions peut avoir la fiction en AR ? J’ai pu observer dans le métro ou sur une plage (oui l’année dernière ;)) des gens visionner un ou deux épisodes de leur séries préférées sur leur smartphone tant que leur batterie le leur permettait. Le support « écran portable » est déjà bien assimilées dans nos habitudes.
« Mais pourquoi ce serait mieux en AR qu’en vidéo HD ou 360° ? » L’idée est, encore une fois, de changer de mentalité, de s’adapter… Pourquoi chercher à faire mieux ? Et si nous cultivions la différence pour changer ? Si, au lieu d’être MIEUX on offrait la variété, la diversité au consommateur ?
Cela ne vous parait pas être une bonne raison ?? Proposer autre chose, un nouveau produit culturel, à 360°, mixé et intégré à nos univers réels ! Bien sûr, il existe d’autres bonnes raisons et de bons arguments pour vendre cette idée. Quels sont-ils ?
Les supports de lectures (devices) Presque toute la population de la planète, de façon plus ou moins égale, possède au moins un smartphone et une grande partie possède également une tablette. De plus, quand il s’agit d’un parcours organisé (parc d’attraction, musée, lieu touristique) ces appareils ne sont pas extrêmement coûteux pour l’organisateur et lui permet de proposer lui-même ses écrans.
Et les lunettes de Réalité Augmentée ? Il n’est pas impossible que dans trois ans, cinq ans, que des lunettes AR soit accessibles en termes de coûts pour le grand public. Il y aura sûrement de nombreuses applications d’informations en temps réel pour ces lunettes, d’ailleurs pour beaucoup de constructeur, c’est l’avenir du smartphone.
L’intérêt de mélanger environnement réel et fiction, les restrictions… Vous me direz, en quoi cette nouveauté pourrait-elle être pertinente dans le domaine de la narration ?
Tout d’abord elle intègre des personnages fictionnels dans notre vie, notre quotidien bien réel ce qui est déjà original en soi. Mais cela nous permettrait, je l’espère, d'être également plus près émotionnellement de ces derniers.
Une donnée capitale : Le LIEU (d’utilisation) Et oui, le lieu va être notre donnée majeure. Il va nous imposer de nombreuses restrictions narratives, technologiques, de confort et de sécurité de l’expérience. La fiction en AR est presque un retour au source du théâtre antique qui, selon Aristote, devait se dérouler dans une unité de temps et d’espace unique.
Les restrictions L’introduction de personnages et d’histoires dans notre milieu réel est passionnante mais nous apporte certains risques physiques. Un personnage fictif peut masquer un obstacle, vous pousser à le suivre et vous faire traverser une route à grande circulation ou bien, causer un accident domestique. Le son peut être aussi un facteur de danger par un isolement acoustique de votre environnement.
En fiction AR, il faut faire passer la sécurité de l’utilisateur avant tout. Dans des lieux publics ou même en pleine nature, emporté par l’histoire, sa vigilance peut baisser et l’isoler du danger. Ne pas hésiter à intégrer des notes dans votre histoire afin de demander à l’utilisateur de s’assoir, s’immobiliser, de baisser l’ambiance sonore de votre expérience AR, qu’il puisse entendre l’environnement sonore réel. Les droits à l’image, une législation encore floue Il est vrai que notre environnement réel est saturé d’affiches, d’enseignes de marques, de personnes bien réelles qui pourraient dans de nombreux cas, être enregistrées dans votre aventure, comme on enregistre une partie de jeu aujourd’hui afin de la poster sur sa chaîne YouTube. C’est une option qui arrivera tôt ou tard si la fiction et même les jeux en AR se développent.
Mais la législation n’a encore rien prévu sur ce sujet tant il est nouveau et il faudra sans doute attendre les premières jurisprudences pour avoir une idée de nos droits sur ce genre de contenus. Fictions AR ciblés On reproche souvent aux nouveaux médias, en général, de pousser les humains vers l’isolement. Mais si une série AR est adaptée à une ville précise, avec des épisodes à voir dans un ordre et des lieux publics précis, des épisodes qui vous poussent à sortir seul ou entre amis, nous inversons sensiblement cette idée d’isolement des utilisateurs et nous pouvons aborder toutes sortes de genres sous de nombreux angles différents : - Les fictions de création : le lieu correspond à une ambiance narrative, fruit de l’imagination de l’auteur, rien de plus. - Les fictions liées à un lieu et à son histoire : l’introduction du storytelling dans une création ou une commande. Ou bien l’histoire du lieu n’inclue pas de héros, alors on aura en charge de le créer ! C’est tout l’art de la narration : faire découvrir l’histoire d’un lieu grâce à un ou des personnages de fictions. - Les fictions dans un lieu que rien ne caractérise historiquement, la plage, la montagne, la forêt... Dans ce cas, il s’agit d’attirer et de surprendre les visiteurs d’un lieu qui peut être connu mais avec aucun passé historique ou inconnu du grand public.
Sans oublier les lieux privés - Les fictions de création chez soi, - Les fictions de création dans un lieu dédié, parc d’attraction, salle d’arcade, escape
game. Généralités Réalité Augmentée et Overlap Reality® (anciennement Réalité Superposée développée par Sky-boy)
Dans l’utilisation de l’Overlap Reality®, le lieu est préalablement filmé ou photographié sans public, ou bien le peu de public présent lors des prises de vues est effacé en post-production. Puis ce lieu vidé du superflu, est superposé à lui-même dans l’application AR, ce qui permet un travail plus poussé sur l’image, comme des effets spéciaux.
La société française Sky-Boy, qui a développé ce concept, est justement une référence en terme de narration et storytelling de l’Overlap Reality®.
L’Overlap Reality® a malgré tout une contrainte… Il vous faut maîtriser le lieu pour lequel vous allez créer un contenu. En référence au paragraphe précédent, c’est une question de sécurité. Vous ne pouvez pas prévoir une Overlap Reality® dans une ville à grande circulation ou en pleine nature. La maîtrise d’un lieu implique que le l’endroit n’est pas accidenté, ne peut pas se modifier naturellement pour cause d’intempéries, etc.
La Réalité Augmentée reste donc plus sûre pour toutes aventures se déroulant dans des lieux publics. Oui, il y aura des interférences causées par la foule, les véhicules, etc, mais justement, c’est à vous d’en tirer un profit narratif. C’est-à-dire construire votre histoire autour des problèmes liés au lieu que vous aurez choisi.
PARTIE 2
Fictions AR interactives ou passives ? La réponse est simple car nous nous retrouvons dans le même cas que la VR. Les deux peuvent cohabiter, la fiction passive et l’interactive n’ont pas le même objectif ni le même coût.
Les décors, le réel, topographie volumétrique
La première spécificité de la Réalité Augmentée est de respecter «l’œil-optique-numérique» de la caméra de nos smartphones ou tablettes, autrement dit, conserver visuellement, notre environnement, le décor où nous nous trouvons.
Le lieu-décor va donc être notre première référence, un élément important dans la direction que va prendre notre histoire.
Sur le plan technique, pour placer vos images « augmentées », la géolocalisation fonctionne mais certaines technologies sont plus ou moins précises, il faut consulter des spécialistes.
Comment obtenir un relevé topographique ?
Les smartphones haut de gamme possèdent une caméra supplémentaire autorisant ce type de manipulation, mais ils sont coûteux donc moins répandus. Si vous maîtrisez le lieu et son accès, encore une fois le relevé volumétrique des pièces pourra être fait en amont de votre production. Sinon, pour une topographie simple et immédiate, exécutée par l’utilisateur, il vous reste la géolocalisation et les marqueurs.
Les marqueurs peuvent prendre n’importe quelle forme reconnue par votre application et incruster vos décors et personnages au niveau du marqueur. Les plus connus et utilisés sont les images imprimées sur les cartes, plateaux de jeu ou livres interactifs connus de tous ceux qui s’intéressent à l’AR.
La production : Commande de marque, culturelle, ou fiction de création ?
Dans le cas d’une commande, nous avons peu de chance de choisir les lieux/décors de notre fiction. Ils sont liés au produit que nous devons valoriser par notre storytelling.
A propos de la commande culturelle, elle est presque à 100 % liée à une œuvre, une époque, un lieu. Les décors peuvent donc être multiples : en exemple, la Seconde Guerre mondiale fait référence à de nombreux lieux, plages du Débarquement, Paris, etc. Léonard de Vinci fait référence à l’Italie mais aussi la Cour du Roi François 1er ou le Château d’Amboise. Ce sont des données importantes à prendre en compte autant en création qu'en production.
Parlons Fiction de création…
Dans ce cas précis, partons du postulat que vous voulez proposer une série de création sans contrainte narrative (histoire imposée). Qu’allons-nous devoir faire pour ne pas tomber dans les pièges de la répétition des habitudes cinématographiques ou même de la VR et savoir faire le tri entre ce qui est encore utile, ce qui doit être modifié, ce qui doit être oublié et ce qui doit être inventé ?
Il est très important que vous compreniez que la Réalité Augmentée (fictionnelle) est très, très particulière à traiter et l’unité de lieu se joue dans le présent (le moment où vous utilisez l’application AR) et implique une forte contradiction avec votre création en cours qui est une « intemporelle fiction ».
Le montage
Je pense qu’il va falloir oublier les notions de montage classique et se rapprocher de l’idée de l’unité de lieu (qui pourrait être un plan=un lieu). Des transitions de type «dématérialisation/rematérialisation» de personnages peuvent toujours nous permettre de changer de temporalité, mais le lieu, à part le parcours de l’utilisateur, ne va pas se modifier.
Il faut donc changer notre relation face aux enchaînements de plans. Nous allons penser en termes de plans-séquences. Bien sûr, on peut toujours enchaîner plusieurs plans-séquences dans un même lieu, sans bouger pour faire évoluer l’histoire à travers les siècles par exemple.
Le son
Le son gagne à être mixé en 3D à 360° car il sera souvent écouté au casque stéréo. Il nous aidera, comme en VR, à diriger le point d’intérêt de l’utilisateur dans les scènes. D’autant que l’utilisateur n’aura que « la fenêtre » de son smartphone/tablette qui réduit considérablement la vision périphérique par rapport à un casque VR par exemple.
Un autre problème se pose : contrairement à une expérience en VR, chez soi ou dans un lieu prévu à cet effet, on peut se trouver face au problème du bruit ambiant du lieu où l’on se trouve. Si vous plongez votre utilisateur dans un environnement d’époque, le bruit des véhicules modernes et klaxons vont un peu perturber votre travail d’immersion. D’autre part, il faut penser en amont au danger d’isoler l’utilisateur sur le plan auditif.
Les images
Elles vont être réalisés principalement en 3D et intégrés grâce à un moteur de rendu temps réel.
Vos animations 3D peuvent évoluer sur 360° mais en comparaison avec la VR, ici vous êtes tenu d’être pertinent avec votre décor réel et d’utiliser ce qui est utile à l’histoire.
Certains élément d’architectures, détruits par le temps ou les guerres, peuvent être aussi reconstitués en images 3D.
Le traitement étant en temps réel, vous n’avez pas besoin de post-production au sens classique du terme.
La durée d’une expérience
Il n’y a pas vraiment d’autre règle que celle du confort de l’utilisateur. Il faut savoir quel va être le support final : smartphone, tablette, lunettes…
Je ne tiens pas à spéculer sur la longueur d’une expérience avec des lunettes car on est encore loin de ce futur. Par contre, on peut imaginer des plans-séquences d’environ deux minutes pour une fiction sur tablette (plus lourde et encombrante qu’un smartphone) et entre deux et quatre minutes pour un téléphone… Mais il est possible que les habitudes, plus les qualités technologiques futures (légèreté des supports) changent totalement ces prévisions.
La caractérisation des personnages
Elle reste toujours aussi importante que pour tous les médias narratifs. Elle dépend de votre talent mais également du temps dont vous disposerez pour mettre en place « l’exposition » de votre histoire et pour développer l’évolution de votre(vos) personnage(s).
La suite dans l'article N°3 et 4
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